Mon appel à l’unité et à la paix

Dans un contexte où les camerounais s’interrogent sur le prolongement de l’absence du Président Biya qui a quitté le Cameroun le 2 septembre 2024 pour prendre part au 4e Sommet du Forum sur la Coopération Sino-Africaine à Beijing en Chine, quitté la capitale chinoise le dimanche 8 septembre 2024, dont la suite de l’agenda diplomatique n’a pas pu être honoré, j’ai beaucoup hésité avant de prendre la parole.

 

D’abord parce que si les camerounais questionnent à juste titre les absences du président Biya qui était attendu successivement à New York pour l’Assemblée générale des Nations unies fin septembre, à Villers-Cotterêts en région Hauts-de-France au 19e Sommet international de la Francophonie qui s’est tenu les 4 et 5 octobre en France et à Hambourg pour la Conférence sur le développement durable du 7 au 8 octobre en Allemagne, je me refuse d’alimenter la polémique ou de verser dans l’indécence comme certains sur la santé du Président Biya. Ensuite parce que nos compatriotes habitués à l’absence du Président Biya y compris lorsqu’il au Cameroun ont d’autres préoccupations aux premiers rangs desquelles nous avons la situation de la vie chère, le chômage généralisé des jeunes camerounais et l’extrême insécurité des camerounais qui caractérisent le mieux l’abandon gouvernemental des populations.

 

Mon engagement pour l’unité des camerounais, la démocratisation de la vie publique et la modernisation du pays en tant que Président du Mouvement Réformateur m’oblige à prendre pourtant la parole et à dire la vérité sur la vie de la Nation et le risque d’un profond déchirement auquel le régime du RDPC et malheureusement une partie de la classe politique dite de l’opposition expose le pays. Comment rester silencieux aujourd’hui alors que j’ai fait le choix en 2020 avec les camarades réformateurs de la reprise des activités du Mouvement Réformateur justement en réponse déjà aux choix égoïstes des politiques qui plongent les camerounais dans le désarroi.

 

Depuis mai 2020 et la relance des activités publiques du Mouvement Réformateur par notre Bureau politique, nous avons sillonné le pays du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest à la rencontre de nos compatriotes, partageant avec ceux-ci un message d’unité, de liberté et de modernisation du pays. C’est ainsi que, dans le cadre du Manifeste des réformateurs pour sortir de la crise dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest et fonder un état démocratique, nous avons proposé comme solution à la guerre dans les régions anglophones, un referendum local d’autodétermination des populations des régions anglophones au terme d’un processus devant assurer un cessez le feu, l’organisation d’un dialogue national inclusif, la reconstruction des zones de guerre et le retour des populations déplacées. Ce processus devant être conduit par un Gouvernement d’Union nationale ayant aussi pour mission de reformer le système électoral pour garantir une transition démocratique et paisible au sommet de l’Etat au terme de l’actuel mandat du Président Biya, Chef de l’Etat.

 

Dans le sillage de cette prise de position forte de notre parti, nous avons mené depuis plus de 4 ans et de manière continue la lutte pour l’amélioration du pouvoir d’achat des camerounais et contre la mal gouvernance du régime RDPC. Notre pétition contre la vie chère à travers 10 propositions en faveur du pouvoir d’achat des camerounais a recueilli près de 40 000 signatures à travers le pays et le Gouvernement a dû reculer sur le projet d’automatisation de 14 postes de péage routier en partenariat public-privé à la suite de notre dénonciation d’une tentative de détournement de la totalité des recettes du péage routier sur les postes en question au bénéfice des intérêts privés. Nous avons saisi le conseil constitutionnel à deux reprises ; sur la non-conformité de l’article 121 de la loi N°2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral avec les dispositions de l’article 6 de la Constitution en août 2023 et quasiment un an plus tard pour avoir son avis sur les prorogations répétitives des mandats des Députes à travers le détournement des dispositions de l’article 15(4) de la constitution en violation de la disposition de l’article 15(1) sur la durée de 5 ans du mandat des députes.

 

Et tout récemment, constatant la persistance des errements de certains leaders politiques qui ne perçoivent pas l’impérieuse nécessité d’un rassemblement des forces de l’opposition pour offrir aux camerounaises et aux camerounais l’alternance tant souhaitée par ceux-ci, d’aucuns misant sur un vote communautariste tandis que d’autres jouant manifestement la carte des accointances avec le régime au pouvoir, nous avons proposé un rassemblement des partis politiques, de la société civile, des entreprises citoyennes et des engagements individuels autour de l’Union pour une Majorité Parlementaire au Cameroun sous-tendu par deux idées principales à savoir : mettre fin à l’hyperpersonnalisation du pouvoir politique au Cameroun et l’obligation de mener le changement politique au sein du parlement pour éviter le piège d’un changement illusoire qui ne serait que le remplacement du Président Biya par une autre personnalité avec la poursuite probablement en pire de la même politique, du même système de gouvernance.

 

Cet engagement, ce déploiement et ces choix ainsi rappelés me permettent de dire aujourd’hui que notre pays a besoin d’union populaire pour s’extraire de la perspective mortifère dans laquelle il est conduit et de dénoncer avec force l’indifférence de beaucoup d’entre nous ou encore les ambitions communautaristes ou individuelles de certains.

 

La vérité est que l’inversion du calendrier électoral avec le prolongement du mandat en cours des députés et l’acceptation passive de cette inversion par la quasi-totalité de l’opposition politique du pays à l’exception du Mouvement Réformateur indique à la fois la volonté d’un autre passage en force du RDPC et incapacité en perspective d’une mobilisation des forces de l’opposition pour contrer ce passage en force du régime dans le cadre de l’élection présidentielle en 2025 qui se déroulerait avec la poursuite de la guerre dans les régions anglophones d’une part et un cadre législatif anticonstitutionnel d’autre part.

 

Dans ce contexte, l’élection présidentielle 2025 sera une simple formalité pour perpétuer une gouvernance qui asphyxie les camerounais et les pousse à l’expatriation. Je prends la parole ou mieux, j’écris ces lignes pour susciter la réflexion et par ricochet la mobilisation pour éloigner ce destin sombre à la Nation et au pays. Il faut malheureusement se rendre à l’évidence que tous ceux qui, se déclarant de l’opposition et qui se précipitent aujourd’hui à annoncer leur candidature à élection présidentielle 2025 font le jeu du pouvoir en place à défaut d’être dans une démarche visant l’extension de la guerre dans l’ensemble du pays avec la perspective d’une crise électorale au terme de l’élection présidentielle 2025.

 

Je voudrais alors dire aux camerounais que notre appel à l’unité lancé en octobre 2021 dans le cadre du manifeste des réformateurs pour sortir de la crise dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest et fonder un état démocratique est plus que jamais d’actualité. Seul un Gouvernement d’union nationale ayant des missions précises pour mettre un terme à la guerre dans les régions anglophones du pays et améliorer le cadre législatif des élections peut garantir la paix et l’unité du pays.

 

Sur la guerre dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, le régime et ses soutiens semblent se satisfaire des arrestations ou procédures engagées par certains pays contre des leaders sécessionnistes à l’étranger laissant penser qu’il s’agit-là d’actions décisives pour mettre un terme à la tragédie des populations de ces régions et du pays dans son ensemble. Dans la réalité, à l’instar des villes mortes, des attaques armées et des enlèvements des autorités administratives qui se poursuivent dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest, l’état de guerre s’installe chaque jour un peu plus. Le gouvernement renfermé sur lui-même semble ainsi dans l’impasse huit ans après le déclenchement de cette crise.

 

Le grand dialogue n’a pas abouti à la fin de la guerre et son lot d’atrocités quasi quotidien dans les deux régions dites « anglophones ». Le seul résultat positif et palpable de cette concertation, à savoir le remplacement des Délégués du Gouvernement jadis nommés, par des Maires élus, a été bafoué par le RDPC qui a nommé les maires des villes de manière ostensible, caporalisant au passage ses grands conseillers en violation de la règlementation, nous faisant revivre les marches honteuses et mémorables contre la démocratie en 1990 et confirmant son rejet permanent des valeurs démocratiques.

 

Le « statut spécial » tant célébré au sortir de cette grande messe est un leurre apportant la preuve du manque de sincérité des autorités gouvernementales dans la résolution de cette crise. Pendant ce temps, les compatriotes du Nord-ouest et du  Sud-ouest continuent de souffrir le martyre en exil, dans les forêts ou dans les autres régions du pays vivant dans des conditions déshumanisantes. La précarité des populations déplacées est telle que des jeunes filles ou garçons y compris en très bas âge fuyant la guerre sont dans l’obligation de faire n’importe quoi pour avoir le pain quotidien.

 

Face à la couardise des élites qui continuent de raser les murs à Yaoundé au sein des institutions ou en dehors, préoccupées par leurs seuls intérêts privés, des jeunes gens qui ont pris des armes croyant restaurer la dignité perdue du « peuple anglophone » se sont totalement déshumanisés. Ils égorgent et dissèquent en mettant à nue l’absence de l’autorité de l’Etat dans les villages et les villes des régions du nord-ouest et du Sud-ouest.

 

Manifestement, le pouvoir joue le pourrissement avec une communication propagandiste qui laisse penser que la situation est en train de s’améliorer tout en mettant en première ligne l’armée nationale face aux bandes armées et aux populations prises entre deux feux. L’ensemble des bavures ou des  atrocités attribuées à l’armée nationale ainsi que les exactions des groupes armés qui pullulent dans les deux régions  témoignent de la difficulté et de la délicatesse de la situation dont les forces de défense et de sécurité font face à cause de la défaillance des politiques dans la recherche d’une solution pacifique à la crise.

 

Cette situation est très loin de garantir l’unité de notre pays. Bien au contraire, elle favorise chaque jour un peu plus ceux qui, extrêmement minoritaires ont toujours combattu sans succès l’unité du pays depuis la réunification du Cameroun en 1961. Il est urgent de mettre un terme à cette guerre pour permettre à nos compatriotes des régions du nord-ouest et du Sud-ouest de revenir à une vie normale tout en garantissant l’unité du pays.

 

Sur le cadre législatif de l’élection présidentielle en particulier, il y a beaucoup à dire et, sauf à faire preuve de mauvaise foi, il y a une quasi-unanimité de la classe politique pour une réforme du code électoral visant à mettre un terme à l’exclusion des jeunes dont l’âge est compris entre 18 et 20 ans du processus électoral, la redéfinition de la composition et du rôle de l’organe en charge de l’organisation des élections dans le sens de son indépendance vis-à-vis du pouvoir en place, de l’élargissement du rayon d’action du Conseil Constitutionnel en démocratisant par ailleurs la saisine de cette institution qui s’est déclarée incompétente pour revenir à posteriori sur l’inconstitutionnalité de l’article 121 du code électoral des conditions d’investiture à l’élection présidentielle…etc

 

Plus précisément, l’inconstitutionnalité de l’article 121 de la loi N°2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral est une véritable bombe à retardement qui ne manquera pas de faire exploser le pays à l’instar des effets dévastateurs  de la loi sur l’ivoirité en Côte d’ivoire. Cet article est le symbole d’un système électoral très peu favorable à l’alternance parce que comportant encore des dispositions propres à l’époque du parti unique. Il est la marque du verrouillage du système politique par le parti au pouvoir pour empêcher toute alternance avec des dispositions légales anti-démocratiques qui pourraient finir par perdre certains concitoyens. C’est déjà malheureusement le cas, dans une certaine mesure, avec les crises sécuritaires dans les régions anglophones du pays et à l’extrême nord. Il faut ainsi rappeler que ce sont les mauvaises lois, les lois antidémocratiques, les lois ségrégationnistes qui sont à la base de nombreuses irrégularités des élections et des drames qui peuvent s’en suivre.

 

Prenant le cas de deux partis politiques n’ayant pris part à aucune compétition électorale, l’article 121 du code électoral dit en réalité que le parti politique ayant un sénateur nommé par le président de la République peut investir un candidat à l’élection présidentielle et l’autre parti qui n’a pas de sénateur nommé par le président de la république ne peut pas investir un candidat à l’élection présidentielle.

 

A l’évidence, cet article injuste et antidémocratique donne au Président de la République le pouvoir d’influencer le choix des candidats à la Présidence de la République au regard de ce cas pratique. Ce qui est fondamentalement anti-démocratique.

 

La constitution en son article 6 alinéa 5 dispose que les candidats aux fonctions de Président de la République doivent être des citoyens camerounais d’origine, jouir de leurs droits civiques et politiques et avoir trente-cinq (35) ans révolus à la date de l’élection

 

Conformément à  cet article et dans le cadre d’une élection au suffrage universel direct, égal et secret, à la majorité des suffrages exprimés  (article 6 alinéa 1 de la constitution), les conditions d’investiture identiques pour tous les candidats à l’élection du Président de la République doivent se porter  uniquement sur les personnalités aspirant à cette fonction et non sur les partis politiques.

 

L’élection présidentielle qui est la rencontre d’un homme ou d’une femme avec le peuple ne peut pas être transformée en une compétition des partis politiques comme le dispose de manière insidieuse l’article 121 du code électoral qui n’est rien d’autre qu’une disposition punitive pour les partis qui n’ont pas pris part aux scrutins locaux.

 

Le vote n’est pas obligatoire dans notre pays. La participation à un scrutin quel qu’il soit ne saurait être une obligation pour les partis politiques.

 

Je ne m’étendrais pas ici sur le phénomène des « candidats d’emprunt »  de certains partis politiques ou sur les cas de marchandage des investitures par certains partis politiques pourvus de conseillers municipaux qui sont autant de dévoiements de l’article 121 du code électoral qui au demeurant apportent la preuve de l’inefficacité de cette disposition si tant est que son objectif vise l’élimination des candidatures fantaisistes à l’élection présidentielle.

 

Il faut relever par ailleurs que l’élimination des candidatures fantaisistes à l’élection présidentielle devrait passer par le parrainage citoyen des candidats par une proportion à définir des électeurs régulièrement inscrits sur les listes électorales. C’est le choix qui a été fait en Côte d’ivoire, au Sénégal mais aussi au Ghana.

 

C’est un choix nettement plus difficile mais démocratique et équitable pour tous ceux qui aspirent à la fonction présidentielle. C’est un choix qui se démarque de l’iniquité flagrante des dispositions de l’article 121 de la loi N°2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral et par-dessus tout, c’est un choix qui est conforme à tous points de vue aux dispositions de l’article 6 de la constitution de notre pays en mettant tous les candidats à l’élection présidentielle au même pied d’égalité.

 

Pour finir, la crise dans les régions du Nord-ouest et du  Sud-ouest nous interpelle tous, individuellement et collectivement. L’amélioration des conditions d’organisation de la prochaine élection présidentielle aussi.  Il est temps de sortir de l’indifférence, de l’individualisme ou du communautarisme et de manifester notre engagement pour l’unité et la paix, de faire preuve de solidarité envers notre Nation.

 

Je voudrais dès lors et très humblement appeler à la mise en place de la plus large coalition politique possible pour mettre fin à la guerre et pour la modification du code électoral avant toute élection présidentielle au Cameroun.

 

Je voudrais aussi appeler l’ensemble de mes concitoyens de tous les horizons au-delà des clivages à soutenir une telle coalition et à se mobiliser pour éviter à la Nation un profond déchirement dans un contexte où le pays s’avance inexorablement vers l’inconnu.

 

J’ai confiance

 

Samuel BILLONG

Président National